Les secrets de la persuasion : Influence et Manipulation de Robert Cialdini
Quels sont les éléments à la base de la persuasion ? Quels sont les facteurs qui nous poussent à accepter ou à refuser une proposition ?
Robert Cialdini est un sociologue, passionné par les principes psychologiques qui influencent nos choix de satisfaire ou non une requête. Son livre « Influence et Manipulation » présente de dizaines d’études et d’expériences scientifiques visant à comprendre les stratégies les plus efficaces à propos de la persuasion.
Dans certains domaines, comme dans la publicité et la vente, ces stratégies sont utilisées par des professionnels pour influencer nos choix de consommateurs.
Parfois leur utilisation est sournoise, avec l’objectif précis de nous tromper et nous pousser vers un choix qu’autrement nous n’aurons pas fait.
On peut parler alors de manipulation.
Les 6 principes psychologiques de la persuasion
Même s’il existe des milliers de tactiques de persuasion différentes, elles sont reconductibles à 6 principes psychologiques fondamentaux qui régissent le comportement humain.
Chacun de ces principes joue un rôle très souvent positif. La vie quotidienne est caractérisée par une multitude de situations complexes, dans lesquelles nous devons faire des choix sans disposer d’informations exhaustives.
Il est alors essentiel d’avoir des raccourcis qui simplifient la décision, sans perdre trop de temps ou d’énergie, tout en maximisant la probabilité de faire le bon choix.
Ces raccourcis sont les mêmes principes à la base de l’influence : alors que des millénaires d’évolution de la société humaine ont permis d’affiner leur puissance et efficacité, il y a des exceptions où ces principes jouent à notre défaveur, de manière souvent inconsciente.
Aujourd’hui, j’irai à l’essentiel des 3 premiers principes et je traiterai les 3 suivants dans la prochaine vidéo.
Si vous êtes fascinés par le comportement humain, je vous conseille de le lire le livre : vous y découvrirez des dizaines d’expériences sociologiques, l’une plus surprenante et intéressante que les autres.
1. La réciprocité
Le premier principe de persuasion est la réciprocité.
Cette règle dit que nous devons repayer chaque avantage que nous recevons. Elle s’accompagne d’un sentiment d’obligation.
La règle est tellement importante pour notre vie sociale qu’aucune société humaine n’y échappe.
Elle permet d’éliminer l’inhibition naturelle aux transactions ; un individu peut donner quelque chose à un autre en sachant qu’il ne s’agit pas d’une perte. La réciprocité a permis de développer de systèmes d’aides, de protection et d’échange au sein des sociétés humaines.
Cette règle est suffisamment forte qu’elle nous pousse à accepter une requête que, sans l’obligation de réciprocité, nous aurons décliné.
Une expérience commune est la fleur ou le bracelet qu’un mendiant nous met dans la main et qui refuse ensuite de reprendre, en insistant que « c’est un cadeau ». Puisque se sentir en dette envers quelqu’un est désagréable, nous préférons laisser une offre, même à contrecœur, plutôt que partir avec le sentiment d’obligation.
Une facette de la règle est que nous devons faire une concession à qui nous en a fait une.
C’est aussi un bénéfice social : tout groupe humain a intérêt que ses membres travaillent ensemble sur des projets communs. Il faut alors concilier les désirs incompatibles de chaque individu, et favoriser la coopération.
Les concessions mutuelles permettent justement cela : nous pouvons faire le premier sacrifice au bénéfice de notre partenaire, qui est alors obligé d’en faire un autre en échange.
Ce principe est d’autant plus efficace qu’une fois enclenchées les concessions mutuelles, les deux parties se sentent responsables d’arriver à un accord final.
Cet aspect de la règle peu être exploité à notre désavantage, quand par exemple un vendeur nous présente d’abord une grosse requête et, après notre refus, nous présente une requête plus petite, celle qui l’intéresse vraiment. Soumis à la règle des concessions mutuelle, nous nous sentons obligés d’abord de faire une concession à notre tour, et ensuite d’arriver à un accord final.
Le poids psychologique de la règle est si fort qu’il est impossible de résister. Pour éviter d’en être victime, il vaut mieux le prévenir.
Mais n’oubliez pas que dans la plupart des cas, cette règle est avantageuse : le refus systématique n’est pas une bonne idée. La majorité des gens est honnête et s’efforce de bien appliquer la réciprocité́.
Mais si vous réalisez que la faveur initiale n’est qu’un artifice pour vous faire accepter une concession que vous aurez refusé autrement, voyez votre interlocuteur non pas comme un partenaire, mais comme un profiteur.
Dès que la situation est vue comme une tentative de manipulation, vous vous libérez de l’obligation de réciprocité : la règle sociale ne dit pas qu’il faut répondre avec une concession à un geste calculé.
2. La cohérence
Le deuxième est le principe de cohérence. Cette règle a aussi un rôle social précis : elle permet de donner certitude et continuité à nos relations avec les autres.
Etre cohérent est valorisé : c’est une preuve de force de caractère, d’honnêteté, de rationalité. Quelqu’un dont les opinions, les paroles et les actes ne concordent pas est considéré faible, hypocrite, incapable de tenir une décision.
Chacun a donc un désir très fort d’être cohérent dans son comportement, ce qui comporte un avantage supplémentaire : une fois que nous avons pris une décision, nous n’avons plus besoin de dépenser notre énergie mentale à peser le pour et le contre. Cela permet de maîtriser un environnement complexe avec un minimum d’effort.
Le problème est que l’habitude à la cohérence est tellement ancrée que nous l’appliquons même quand elle n’est pas l’attitude la plus appropriée.
La cohérence est déclenchée par l’engagement. Si j’arrive à vous pousser à un engagement quelconque, à vous faire prendre position sur quelque chose, ce sera simple par la suite de vous pousser à tenir cet engagement.
Une technique de vente assez répandue, le fameux pied dans la porte, joue sur ce principe. Le vendeur nous incite à prendre un engagement très petit, presque insignifiant. Par principe de cohérence, il lui est plus simple ensuite d’obtenir des engagements, et des ventes, plus conséquents.
L’engagement est d’avantage renforcé s’il est mis par écrit, s’il est fait publiquement, et si nous pensons de l’avoir choisi librement, sans pression externe.
Bien que la cohérence soit en général louable, voir indispensable, il faut éviter l’application systématique et sans réflexion. Pour éviter de s’en trouver piégé, d’après l’auteur il faut apprendre à écouter son corps.
Dans les cas le plus évidents, nous sentons un creux dans l’estomac, un signal clair envoyé à notre cerveau pour lui dire : « Attention, tu te fais avoir ! ».
D’autres fois, la réaction est plus subtile, elle ne dure que quelques secondes. Dans ce cas on peut alors se poser la question : « Avec les éléments factuel dont je dispose maintenant, indépendamment des choix que j’ai déjà faits, quelle décision je prendrais ? »
3. La preuve sociale
Le troisième principe est la preuve sociale.
Ce principe s’applique dans les situations où nous ne savons pas bien quel comportement adopter. Nous jugeons un comportement approprié si nous voyons d’autres personnes l’adopter.
Et souvent, c’est le bon choix : nous faisons moins d’erreurs en nous conformant aux autres, qu’en allant à leur encontre.
Comme pour les principes précédents, il y a par contre des situations où ce n’est pas la meilleure approche. Par exemple, quand les autres non plus ne savent pas quel est le bon comportement à tenir, et ils nous observent à leur tour pour décider quoi faire.
Le phénomène inexplicable où, dans une grande ville, beaucoup de passants assistent à une agression ou à un malaise en totale indifférence, sans aider la victime, est une conséquence directe de la preuve sociale. Quand la situation se produit, personne ne sait exactement quoi faire, et tous se regardent autour pour décider le bon comportement à adopter.
Puisque nous préférons toujours avoir l’air calme et assuré, nous cherchons ces indications sans bruit, en regardant discrètement autour de nous. Par conséquent, chacun verra que les autres semblent impassibles et que personne n’agit. En vertu de la preuve sociale, chacun conclut que la situation ne demande pas de mesures urgentes.
Encore une fois, le pilote automatique fourni par la preuve sociale est plus souvent un allié qu’un ennemi : ce serait contreproductif de le débrancher complément.
Il faut par contre apprendre à identifier les situations où il y a des erreurs.
- Un premier cas est représenté par la manipulation volontaire des informations : les indices ont été délibérément falsifiés pour nous pousser vers des conclusions erronées (c’est la cas de certaines publicités).
- Un autre cas est celui où personne ne sait quoi faire. Quand nous sentons que notre réaction instinctive et les indications données par le groupe sont en contradiction, il vaut mieux enlever le pilote automatique et évaluer la situation de manière réfléchie.
Voilà, vous avez découvert les 3 premier principes de persuasions présentés par Robert Cialdini dans son livre « Influence et Manipulation ». Je vous donne rendez-vous la semaine prochaine pour découvrir les 3 principes restants : l’autorité, la sympathie et la rareté.
Est-ce que vous avez des exemples où votre comportement a été influencé par ces principes ?
Comment avez vous réussi à faire face à la situation ?
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