Quels plans pour votre futur ? Et si le bonheur vous tombait dessus ? de Daniel Gilbert
Toutes les religions, les philosophes et les psychologues sont d’accord : les êtres humains sont à la recherche du bonheur. Les modalités et les moyens peuvent différer d’une personne à l’autre, mais la finalité (être heureux) est la même pour tous les habitants de la planète.
Pourquoi alors nous n’arrivons pas à satisfaire notre envie de bonheur ?
Nous considérons nos futurs nous-mêmes un peu comme nos enfants : nous passons nos journées en train de planifier et construire notre futur de manière à les rendre heureux.
En fait, à chaque fois que nous désirons quelque chose (une promotion, un mariage, une voiture), nous attendons que la personne que nous allons devenir d’ici un jour, un mois ou un an, sera extasiée par les choix que nous avons faits aujourd’hui pour elle.
Nous attendons de sa part une gratitude et une reconnaissance absolues, pour tous les efforts et les sacrifices que nous avons fait pour son bien.
En réalité, comme chacun d’entre nous a eu l’occasion de vérifier dans sa vie, très souvent notre futur nous même se comporte comme le plus rebelle des adolescents.
La gratitude et la reconnaissance que nous attendons sont souvent remplacées par la critique (voir à l’agacement) pour le choix que nous avons fait avec tant de dévouement.
Comment est-ce possible que nous commettons des erreurs aussi grossières quand nous cherchons à anticiper les goûts, les besoins et les désirs de la personne que nous devrions connaître le mieux, c’est à dire nous même ?
Dans son livre « Et si le bonheur vous tombait dessus », Daniel Gilbert (psychologue et professeur à Harvard) essaie d’expliquer l’origine de cette incapacité à anticiper nos envies dans le futur, et propose quelques pistes pour réduire ces erreurs d’anticipation.
Grâce aux résultats d’une série d’expériences scientifiques, l’auteur montre que notre cerveau tombe systématiquement dans 3 pièges qui expliquent la difficulté à se projeter dans le futur.
1. Le réalisme
Le premier défaut, que nous pourrons définir comme réalisme, consiste dans le fait que notre cerveau, lorsque il s’imagine quelque chose, ne peut s’empêcher de remplir la chose imaginée de plein de détails. Tous ces détails n’ont pas vraiment lieu d’être, et qui plus ait, nous nous n’apercevons pas de ce remplissage.
Par exemple : si je vous demandais combien vous allez apprécier une assiette des pâtes demain, qu’est-ce que vous me répondez ?
Indépendamment de votre réponse, oui ou non, elle sera basée sur plein de détails que votre cerveau a fabriqué en quelques instants, sans que vous vous en rendiez compte. Et ces détails étaient totalement absents de la question.
Vous avez imaginé votre sauce préférée sur vos pâtes : de la bolognaise, ou du pesto. Vous avez aussi imaginé le cadre de ce repas : un diner romantique dans un resto italien que vous appréciez, de la musique agréable qui accompagne une discussion très plaisante. Ou encore, un diner en famille avec tous vos enfants à côté de vous.
Et bien votre cerveau ne peut pas s’empêcher d’imaginer tous ces détails qui n’ont rien à voir avec la question de départ, mais qui influencent énormément votre appréciation de votre futur bonheur. Et cela sans que vous vous rendiez compte.
Si par exemple vous avez ces pâtes livrées sur votre lieu de travail pour une soirée au bureau jusqu’à tard, après une journée stressante, pour avancer sur un projet que vous n’aimez pas et en compagnie d’un collègue que vous aimez encore moins, s’il s’agissait de pâtes au fromage que vous détestez, probablement l’expérience que vous allez vivre sera très différente de celle que vous avez imaginé suite à ma question.
Quand nous imaginons notre futur, nous ne pouvons pas éviter de le remplir de détails qui influencent nos choix, sans en être conscients.
2. Le présentisme
Le 2ème biais dans nos capacités d’évaluation correspond au « présentisme« , c’est à dire la tendance à projeter notre présent dans le futur. Cela signifie que les détails utilisés par notre imagination pour enrichir l’anticipation du futur sont des détails empruntés du présent.
C’est pour cela que quand nous projetons nos vies dans le futur, il est très compliqué de beaucoup nous éloigner de notre situation actuelle.
Par exemple, si je reprends l’exemple des pâtes de tout à l’heure, votre capacité à anticiper correctement combien vous aller les apprécier demain, va être beaucoup influencé par un facteur du présent qui risque de vous mettre hors piste : c’est combien votre estomac est plein à cet instant.
Si vous venez de terminer un gros repas en famille, lors duquel vous avez beaucoup mangé, votre estomac plein vous fera beaucoup sous-évaluer la satisfaction d’une bonne assiette de pâtes demain. Vous avez déjà du mal à digérer ce que vous venez de manger !!
Dans le cas contraire, si vous avez très faim, l’idée de pouvoir manger des pâtes vous semblera une expérience exquise !
Plus généralement, nos anticipations sur notre vie future sont très dépendantes des émotions et de notre état d’esprit présents (si nous sommes tristes, fâchés, ou au contraire contents et relaxés).
Comme pour le défaut précédent, la grosse partie du problème c’est que nous ignorons complétement l’existence de ces mécanismes, et nous ne tenons pas compte lors de notre jugement.
Quand nous pensons à notre futur et nous essayons d’anticiper nos émotions, nous sommes totalement inconscients de l’influence de nos émotions actuelles.
3. La rationailsation
Le 3ème défaut est la rationalisation, c’est à dire la tendance naturelle du cerveau à chercher des explications à ce qui nous entoure. Quand il s’agit d’anticiper le futur, cette tendance déforme encore plus notre perception pour une question de perspective.
Notre cerveau a du mal à comprendre que les choses qui se trouvent à distance dans le temps peuvent avoir un aspect différent de ces mêmes choses vues de près.
Ce problème n’existe pas dans le domaine spatial, où comprendre la perspective nous est très naturel. Nous n’avons pas de problèmes à comprendre que, quand nous regardons une personne, une voiture ou une maison de loin, elle nous paraîtra très différente de quand nous serons à côté d’elle.
La taille sera très différente, beaucoup de détail seront absents. Mais cela ne nous empêche pas d’anticiper assez bien ce que nous allons voir une fois que nous arriverons plus près.
Dans le domaine temporel, par contre, le cerveau n’arrive pas à réaliser correctement ce travail d’anticipation. Très souvent, à distance, nous exagérons l’ampleur et l’impact des événements imaginés, autant dans le sens positif que négatif, sur notre bonheur.
Du côté négatif, notre cerveau va exagérer les conséquences d’une situation difficile et douloureuse à laquelle nous devons faire face. En réalité, une fois le moment arrivé, nous allons réagir beaucoup mieux qu’anticipé et le tableau ne sera pas aussi noir qu’imaginé.
De la même manière, du côté positif, notre cerveau va exagérer le bonheur espéré d’un événement qui nous fait envie. Quand le moment arrivera, nos émotions seront moins extatiques qu’anticipé.
Vous vous demandez probablement : à quoi ça va servir connaître ces trois biais du cerveau ?
C’est très simple : cela vous permet de savoir que vous fier à votre imagination pour comprendre les conséquences d’un choix sur votre bonheur futur c’est une stratégie très peu précise.
C’est très simple : cela vous permet de savoir que vous fier à votre imagination pour comprendre les conséquences d’un choix sur votre bonheur futur c’est une stratégie très peu précise.
La solution
Heureusement, La solution à toutes ces erreurs d’évaluation existe, et vous pouvez l’appliquer de suite. Comment pouvez-vous prédire précisément vos états d’âmes si vous faites telle ou telle choix, si vous allez vivre à Paris ou à la campagne, si vous décidons de devenir médecins ou comptables ?
Et bien, il suffit d’observer comment se portent les personnes qui ont déjà fait ces mêmes choix.
Plusieurs études montrent que se baser sur l’expérience d’autrui pour anticiper sa propre réaction face à une situation, permet d’atteindre une précision bien meilleure que se baser sur sa propre évaluation.
Mais attentions : vous allez rencontrer plusieurs freins internes lors de l’application de cette solution !
Nous avons tous l’impressions d’être différents des autres, d’être en quelque sorte uniques. Nous avons nos propres convictions, nos préférences, notre personnalité.
Malgré que beaucoup d’études scientifiques prouvent le contraire, nous sommes convaincus d’être les mieux placés pour prédire notre bonheur dans telle ou telle situation, et que l’avis des autres, bien qu’utile, ne sera pas aussi précis que notre propre jugement.
Même après avoir découvert la solution à nos erreurs, nous allons très probablement choisir de perpétuer les 3 défauts que Daniel Gilbert nous présente.
Nous continuerons à mal anticiper les effets futurs d’un choix ou d’un situation à cause de l’influence des détails supplémentaires rajoutés de manière inconsciente, de nos émotions et notre état d’esprit actuel, et de l’amplification, en positif ou négatif, de notre réaction
Dans ce cas, le bonheur continuera à nous tomber dessus, de manière inattendue…
Êtes-vous surpris de l’influence de ces facteurs dans votre anticipation du futur ?
Comment faites-vous pour éviter le risque d’être déçus de vos choix ?Laissez un commentaire ci-dessous.
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